7 août 2010

ENFANCE HANDICAPEE OU SOCIETE HANDICAPANTE? De l'impossible définition à la nécessaire classification

Volet 1/2 : Historique du consensus international

A-  APPROCHE ET CLASSIFICATION DE L’OMS (Organisation mondiale de la santé)

Aujourd’hui encore il est impossible de donner au handicap une définition qui emporte l’adhésion unanime des experts, des professionnels, des personnes handicapées et du grand public.

L’histoire a été jalonnée d’un vocabulaire qui a désigné les personnes handicapées d’une multitude de noms : estropiés, infirmes, bossus, mutilés, aliénés, anormaux, invalides, désavantagés sociaux, handicapés, personnes exceptionnelles, personnes extraordinaires, personnes en situation de handicap ou porteuses de handicap, etc.

Face à cette grande diversité de terminologies, l’OMS a proposé d’établir un langage commun du handicap, base des définitions officielles du handicap à travers le monde, et de classifier le handicap.

Pourquoi une classification internationale ?
- Besoin d’évaluation de l’état de santé des populations :
- Besoin d’un outil de description et de collecte de données de santé des populations :
pour les politiques de santé publique
pour les comparaisons statistiques internationales
comme langage commun entre professionnels de la santé

La méthode, le fond et la forme
Nécessité de « normaliser » la définition du handicap en trouvant un consensus sur la terminologie, sans réduire le handicap à un diagnostic, mais « considérer le handicap comme la conséquence d’une maladie ou d’un accident, au lieu de l’assimiler à sa cause. »

Les étapes : Du modèle individuel au modèle social du handicap

I- LE MODELE INDIVIDUEL

En 1980, après plusieurs années de travail en son sein, l’Organisation internationale de la Santé (OMS), a publié une première version de la Classification Internationale du Handicap (CIH).
La CIH, si elle ne définit pas le handicap, le " décrit " en trois aspects constitutifs:
1/ L'atteinte du corps : " déficiences "
2/ Les difficultés ou impossibilités à réaliser les activités de la vie courante qui découlent de ces déficiences : " incapacités "
3/ Les problèmes sociaux qui en résultent : " désavantages ".

Maladie ou trouble ==> déficiences, ==> incapacités, ==> désavantages (OMS, 1980)
                                     (organes           (activités)              ( rôles sociaux)
                                     et fonctions)
De 1992 à 1997, cette première version provisoire est testée dans plusieurs pays à des fins de validation. Le consensus n’est pas acquis car pour de nombreux experts cette description et classification fait l’impasse sur les facteurs environnementaux t sociaux, de même que l’ordre indiqué de la séquence des 3 aspects constitutifs n’est pas univoque.

II- MODELE INTERACTIF INDIVIDUEL ET SOCIAL

En 1999 une seconde version provisoire est soumise à validation par l’OMS : la Classification Internationale du Fonctionnement et du Handicap, (CIDIH-2)
Cette nouvelle classification est une typologie en deux modèles co-existants :

1/ Le modèle individuel : Le handicap comme pathologie individuelle
La personne handicapée l’est du fait d’une atteinte corporelle et/ou fonctionnelle, que la médecine doit traiter ou guérir. En outre la société a la responsabilité d’éradiquer ou guérir le handicap, et d’améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées par des mesures de compensation

2/ Le modèle social : Le handicap comme pathologie sociale
Le handicap est une conséquence de l’absence d’aménagements des environnements ordinaires. Il résulte d’un problème d’organisation sociale et de rapport entre la société et l’individu. La situation de handicap est inhérente à la société.
Il faut mettre en accessibilité et adapter l’environnement aux personnes handicapées et reformuler les règles politiques, économiques et sociales.
Il est de la responsabilité de la société d’identifier et d’éliminer les barrières architecturales,sociales, économiques et psychologiques, et de réduire les inégalités dans les droits et donner accès à une pleine citoyenneté.

Exemple concret : Un enfant en fauteuil roulant devant les marches d’une école :

Modèle individuel ou médical :
1- L’enfant est paralysé : approche médicale, = déficience
2- L’enfant ne peut pas marcher : approche fonctionnelle (= incapacité, limitation d’activité)médicale (déficience)
Modèle social :
1- l’immeuble est inaccessible : approche environnementale (aménagement de l’environnement)
2- La société est discriminative et ségrégative : inégalité des droits de l’homme et du citoyen : approche politique (non-discrimination)

III- MODELE SYSTEMIQUE

En mai 2001,l’OMS ratifie la version finale, la Classification internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé, qui établit l’interaction permanente entre les problèmes de santé, les facteurs environnementaux et les facteurs personnels dans la genèse et dans l’évolution du handicap:

Problèmes de SANTE  ====>  Effet sur Fonctions et Structures ( du CORPS): DEFICIENCES
(troubles/maladies)
                                    ==== > Effet sur Activités de LA PERSONNE:  LIMITATIONS
                                    ====> Effet sur Participation dans la SOCIETE: RESTRICTIONS
Le tout en lien permanent avec les facteurs personnels et les facteurs environnementaux, ces derniers pouvant être des obstacles ou des facilitateurs.
Les fonctions, les structures, les activités, la participation et les facteurs environnementaux sont définis et classifiés dans le détail.

Cette classification instaure une approche systémique des inégalités sociales référée à la situation de handicap et une approche réadaptative à l’égalité des droits et des chances.

La « Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé » qui reflète l’évolution conceptuelle internationale et qui intègre les modèles individuels et sociaux du handicap dans une perspective systémique, sert d’outil, pour les pays, à établir les représentations sociales, la législation, les politiques publiques, la formation des intervenants, etc. en matière de handicap.

B-  LA CONVENTION DES NATIONS UNIES

Le 13 décembre 2006, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté la convention relative aux droits des personnes handicapées, qui rappelle dans son préambule que:
 …« Reconnaissant que les enfants handicapés doivent jouir pleinement de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants, et rappelant les obligations qu’ont contractées à cette fin les États Parties à la Convention relative aux droits de l’enfant »…

… « Convaincus que la famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État et que les personnes handicapées et les membres de leur famille devraient recevoir la protection et l’aide nécessaires pour que les familles puissent contribuer à la pleine et égale jouissance de leurs droits par les personnes handicapées »…

...« La présente Convention a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque. »

Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

Ainsi, à défaut d’établir une définition universelle du handicap, les institutions internationales ont réalisé des outils permettant aux pays d’élaborer un langage et une classification qui puissent servir à légiférer et à communiquer en matière de handicap. Ces outils sont également des balises en codification et en analyses statistiques comparatives.

Nous verrons au volet 2/2 de cet article comment la Belgique applique ce consensus international en matière d’enfance handicapée.

Auteur : Virginie LABIS
(Reproduction partielle ou totale autorisée avec obligation de mention de la source « Handikids » et de l’auteur)

Ressources :
OMS (http://www.who.int/classification/icf)
CTENRHI (http://www.ctenrhi.com.fr)
Association des paralysés de France, Déficiences motrices et handicaps, 1996

Lexique :

- Une déficience est une perte de substance ou altération d'une structure ou fonction (psychologique, physiologique ou anatomique); la déficience correspond donc à la lésion (exemple: amputation, malformation, trauma...) et/ou au déficit en résultant (exemple : hémiplégie, surdité, cécité, incontinence urinaire…).


- L'incapacité correspond à toute réduction (partielle ou totale) de la capacité d'accomplir une activité d'une façon ou dans les limites considérées comme normales. Par exemple : incapacités à marcher, à écrire,…, mais aussi (en " situation ") à se lever, à se laver, utiliser les W-C, s'habiller, communiquer, mémoriser, réfléchir.
- Le désavantage (conséquence des déficiences ou des incapacités) représente une limitation ou une interdiction d'accomplissement d'un rôle social normal (en rapport avec l'âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels) : gagner sa vie, faire des études, avoir un emploi, s'occuper...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire